Dennis Scott l’observait récemment sur NBA TV : « On voit de plus en plus de matches de New York à la télé en ce moment ». Le récent succès des Knicks, porté par les acquisitions d’Amar’e Stoudemire et Raymond Felton, y est pour beaucoup. Tant mieux pour l’exposition télévisuelle et les revenus qui vont avec, mais s’il y a une audience qui ne leur a jamais fait défaut, c’est avant tout celle du Madison Square Garden.

Une fidélité historique

Et ça ne date pas d’hier ! L’indispensable Undisputed Guide to Pro Basketball History (qu’on ne peut malheureusement trouver qu’en anglais pour l’instant) nous apprend que, sur les 25 premières années qui ont suivies la création de la NBA, le Garden a enregistré la plus forte fréquentation de la ligue pendant 19 saisons. Dans le même livre, il est noté que la diversité ethnique et culturelle des joueurs de l’équipe durant les sixties/seventies a pu aider à rassembler une audience plus vaste et cosmopolite qu’ailleurs, à l’image de la ville. Walt Frazier prétend par ailleurs que le célèbre cri « DE-FENSE ! » a été créé par les supporters des Knickerbockers pendant cette période, et reprise ensuite dans tout le pays, attestant de l’importance de ces fans hors du commun.

À travers les années et les péripéties, ils sont en effet restés fidèles à leur équipe professionnelle. Même l’an dernier, alors que la franchise n’a pas été en mesure de se qualifier aux playoffs, la salle enregistrait la cinquième meilleure audience de la NBA. Évidemment, être situé au cœur d’une métropole comme New York, en plein Manhattan, aide beaucoup. Mais on pourrait également argumenter à l’inverse : la ville offre tellement de distractions que la fidélité des fans – et l’attrait des touristes – est tout à fait remarquable.

L’engouement bat son plein en ce moment

« La Mecque du Basket » vibre donc toujours pour les Knicks. Un article de Pascal Giberné dans le premier numéro de BAM en témoignait il y a deux ans déjà, alors que l’équipe était au plus bas. Depuis qu’elle a renoué avec le succès, la salle est encore plus régulièrement « sold-out », comme en attestent quinze des dix-sept dernières rencontres. Il n’est pas difficile de savoir pourquoi, maintenant que le roster comprend une (voire deux) stars légitimes, un rookie épatant en la personne de Landry Fields, et une dynamique qui pourrait bien les mener jusqu’aux phases finales. Oh, et pour ceux qui sont encore fans de folklore communautaire, un certain Danilo Gallinari ravit la population italo-américaine de « Big Apple ». En même temps, on ne va pas leur faire la leçon, beaucoup de français sont bien content que Ronny Turiaf évolue à NY plutôt que dans l’anonymat de Golden State !

Pour ma part, j’ai passé beaucoup de temps autour de New York et des Knicks lors des deux dernières années : comme touriste, comme spectateur et comme pigiste basket pour différents journaux et magazines en France. J’ai toujours été touché par l’ambiance du Garden et la passion des fans les plus hardcore, pour les Knicks ou d’autres évènements basket d’ailleurs : Jordan Brand Classic, Draft NBA, France vs USA en préparation du Mondial… L’intensité des fans ne rivalise d’ailleurs qu’avec l’expertise du corps de presse, même si l’on trouve aussi de sombres idiots dans les deux rangs. Je ne m’imagine simplement pas que cela puisse disparaitre, dans dix ou même cent ans.

Brooklyn pourrait-il rivaliser avec Big Apple ?

Une seule menace éventuelle : l’implantation des New Jersey Nets à Brooklyn. New York est en effet composé de cinq municipalités, les « five boroughs » : Brooklyn, Bronx, Queens, Staten Island, Manhattan. Les Nets – qui pourraient changer de nom – pourront donc compter sur les brooklynites pour un ancrage dans la population. Au passage, il faut savoir que si Brooklyn était détachée de New York, ce serait la quatrième ou cinquième plus grande ville des États-Unis (!). On peut aussi – très hypothétiquement –  imaginer un certain rejet de l’équipe « de Manhattan », plus huppée et plus riche, par certains autres new yorkais. De plus, le propriétaire de la franchise, Mikhail Prokhorov, compte bien en faire une force majeure de la ligue, et l’on peut s’attendre à ce qu’il lâche l’argent pour cela (à la Mark Cuban), attirant ainsi toute sorte de fans récemment intéressés par le basket ou des opportunistes.

Pourtant, les Knicks resteront l’équipe historique de la ville et il en faudra certainement beaucoup pour qu’une part importante des supporters retourne sa veste. Même Spike Lee, originaire de Brooklyn et fier à en crever, ne se voit pas changer son soutien de longue date aux Knicks en faveur des Nets. Mais toute la population de Brooklyn et du reste de New York n’est pas le fan n°1 et l’un des symboles phare de l’équipe au maillot bleu, blanc et orange…

Autre élément important : les médias. Considérée comme la presse basket la plus experte du pays, elle dicte parfois le ton. Et comme elle devrait logiquement porter son attention principalement sur l’équipe qui aura les meilleurs résultats, un titre à Brooklyn pourrait bien créer un ouragan sur les Knicks et le reste des États-Unis. Mais une rivalité sous forme de derby sera sûrement un élément tout aussi intéressant à couvrir.

Et puis il y a le Madison Square Garden, cette salle mythique, à la fois pour notre sport et pour tout ce que comprend le terme entertainment, lieu des plus grandes rencontres de basket, de hockey et de boxe, de concerts légendaires et autres shows en tout genre. Même un building hypermoderne comme le souhaitent Prokhorov et Jay-Z pour leur franchise ne pourra lui faire de l’ombre.

Surtout, il y a suffisamment de place et de gens à New York pour que les deux équipes trouvent leur public.

N’allez juste pas dire ça à un fan des Knicks.