« | »

Ajinça : injustice ?

Non classé | Par Antoine le 13 avril 2011 à 20 h 51 min

Il y a une semaine, j’ai pu réaliser une interview d’Alexis Ajinça, parue sur Sports.fr (cliquer pour la voir dans son intégralité) et reprise en partie sur BasketUSA et BasketSession. Vous trouverez ici un bout de l’interview, qui n’avait pas été publié par manque de place et pour se focaliser plutôt vers d’autres sujets. Un débat peut se faire ensuite, notamment par les réactions sur les commentaires qui ont suivis.

Voici donc les morceaux coupés :

Alexis, vous en êtes à votre troisième saison NBA, pouvez-vous nous raconter un peu comment vous avez vécu votre parcours jusqu’ici ?

J’étais avec Charlotte pour ma première saison, ça c’était bien passé mais en fin de saison je suis parti en D-League, je l’ai un peu mal pris mais bon, je n’avais pas le choix donc je me suis fait à l’idée. L’année d’après je suis revenu, j’avais commencé à faire de bonnes choses en pré-saison mais le coach (Larry Brown, ndlr) a décidé de me renvoyer encore en D-League, pour aucune raison. Mais j’ai bien pris cette deuxième année là bas, avec de bonnes stats et même un triple double. Malheureusement je me suis blessé pour le reste de l’année. Pendant l’été j’ai été échangé à Dallas, ça s’est très bien passé, c’était ma meilleure expérience et j’ai appris beaucoup là bas. Puis j’ai été à nouveau échangé, cette fois à Toronto, ça se passe pas mal, même si des fois j’ai du temps de jeu et d’autres non.

Comment se sont passés vos débuts à Charlotte avec Larry Brown ?

Il est difficile à comprendre. Il y avait des moments où ça se passait très bien et d’autres où il avait l’air de m’en vouloir. Il était fâché je crois ma deuxième année, à cause de quelque chose qu’il aurait mal pris en équipe de France, alors que je n’avais rien dit en fait. Puis après il est parti de l’équipe de France et ça avait l’air OK, mais ensuite je suis revenu en NBA pour la saison et il m’a reproché quelque chose – je n’ai jamais vraiment su ce que c’était – et il m’a envoyé en D-League.

Mais l’accident avait tourné autour de quoi en équipe de France ?

Il ne s’est jamais vraiment rien passé, mais en gros lui voulait que je me lève à 6 heures du matin pour aller courir, alors qu’en fait je venais d’arriver et j’étais crevé à cause du décalage horaire, des deux entrainements

par jour et de la muscu en plus, que je faisais avec Joakim (Noah, ndlr)…

(Si vous ne l’avez pas déjà fait, vous pouvez lire le reste de l’interview ici).

On voit dans les passages exposés ci-dessus comment Alexis Ajinça tire le bilan de ses premières saisons et de certains heurts rencontrés sur la route. Par ailleurs, le titre de ce post n’est pas innocent – en plus de l’assonance : il y a bien chez ce joueur un questionnement sur son itinéraire, par rapport aux opportunités qu’il aurait pu avoir notamment. En bref, si la situation difficile qu’il vit en ce moment est juste/justifiée ou pas. Mais c’est surtout sur la manière dont il est jugé publiquement que la question de l’injustice se pose. Les commentaires (plus de 200 au total entre les différentes plateformes) tournaient en majorité sur le fait que sa « carrière » (3 saisons NBA seulement, et il n’a pas encore 23 ans) soit « gâchée » ou pas.

Comme promis, voici donc mes réactions, notamment sur les commentaires (soit une certaine réception de l’interview) :

– Tout d’abord, les reprises par les autres sites internet se sont centrées sur une partie de l’interview : sa déclaration sur le fait qu’il n’aurait « pas plus joué en France parce que, de manière générale, on n’y fait pas confiance aux jeunes français ».

– Ce sujet a bien été commenté, mais la plupart des commentaires se sont focalisés sur ses choix et son parcours individuels.

– Dommage que, dans ce cas-là, les commentateurs ne soient pas toujours allés voir – au minimum – l’interview dans son intégralité avant de commenter, ou alors aient ignoré certaines de ses réponses.

– Dommage que le ton soit plus souvent à l’accusation-sentence qu’au questionnement construit, prenant en compte plusieurs données et pas juste un exemple/argument « marteau » censé avoir valeur de démonstration.

– Tant mieux que certains répondent par contre de manière construite avec des éléments nouveaux ou factuels. Voire même que d’autres prennent sa défense pour rééquilibrer (bien que cela incite aussi à l’inverse).

– L’outil internet est fantastique pour les fans de basket – les plus de 25 ans se rappellent de la pénurie d’info durant leurs années de jeunes mordus – mais il faut aussi l’utiliser au mieux pour en tirer un maximum.

Pourquoi je m’expose en père-la-morale, quitte à passer pour un gros relou ? Parce que je crois vraiment que le cas Ajinça est le parfait exemple de l’injustice dans son traitement, autant par les lecteurs-commentateurs que par les journalistes parfois (il s’est souvent fait tailler dans la presse). Et cette question m’intéresse. Je ne me permets par contre pas de juger qui a raison ou non, car peut-être faut-t-il d’abord chercher à savoir plutôt que juger de suite. Notamment pour éviter les injustices, justement.

Evidemment, l’idée est surtout d’avoir vos réactions pour construire un débat : alors que ce soit sur la manière dont fut traitée cette information et sa réception ou sur le cas Ajinça (a.k.a. double-A), allez-y !

PS : Ironie de l’histoire, Sidney Lumet, immense réalisateur de plusieurs films sur la question de la justice (notamment le classique 12 hommes en colère) est décédé ce weekend…


Poster un Comm'...

Tu peux insérer des smileys en cliquant dessus :

Nous vous rappelons que tout commentaire sera controlé préalablement à sa mise en ligne.
Nous vous prions de respecter les termes décrits dans l'avertissement.
Votre adresse IP pourra être enregistrée.

Déjà 3 Commentaires :

  1. StillBallin
  2. C’est une bonne idée de commenter les réactions qui ont fait suite à ton interview, surtout dans ce cas-là où elles sont typiques et transposables à plusieurs sujets (Lebron James vu comme un vrai vilain, Kevin Garnett comme Satan et Kevin Love comme un franchise player).

    Il est vrai que ici pour Ajinça ou pour autres choses, les réactions qu’on peut lire dans les commentaires sur internet sont souvent exagérées et plus la retranscription d’une émotion que l’argumentation d’une froide analyse. Après, est-ce que j’irais jusqu’à parler d’injustice? Ces réactions venimeuses ne sont que la traduction d’une déception, laquelle est à la hauteur des espoirs que l’ancien de l’Insep avait généré (la fameuse attente de l’éclosion d’un big man dominateur français…).

    Toutefois, ses propos dans l’interview ne me convainc pas vraiment. Sur la question de son temps de jeu en France, il est vrai que sa première saison en tant que professionnel s’est déroulée sur le banc de Pau. Mais premièrement, pourquoi avoir signé à Pau qui était encore considéré comme une grosse cylindrée, si c’était du temps de jeu qu’il recherchait? Il aurait pu commencer dans une plus petite équipe de Pro A ou carrément en Pro B comme l’avait fait avec succès Mamoutou Diarra (c’est suffisamment rare pour être souligné). Mais bon, tous les jeunes français semblent faire cette erreur (enfin « erreur », c’est peut-être beaucoup dire), donc j’ai du mal à blâmer Double-A pour ça (même si je pense que ça compte beaucoup dans la question « en France, on ne fait pas jouer les jeunes »).

    Deuxième chose, le pivot avait judicieusement quitté l’Élan Béarnais pour un club de Pro A beaucoup moins huppé (Hyères-Toulon) afin d’avoir du temps de jeu et cela avait été le cas, non? 11 minutes de temps de jeu en moyenne (pour 7 pts) en sachant (si mes souvenirs sont bons) que ce temps, parti de pas grand chose, n’a pas cessé de s’agrandir au fil de la saison pour terminer à un niveau très correct. D’ailleurs, j’ai encore en mémoire le formidable match de la semaine des as qu’il avait réalisé. Et je pense que je peux dire sans me tromper que sans cette excellente année, jamais Ajinça n’aurait été drafté avec une telle cote.

    Donc du temps de jeu, il en avait et surtout, celui-ci aurait été sans le moindre doute beaucoup plus conséquent si il était resté sur la cote Varoise. Peut-être me diras-tu (ou me dira-t-il?) que malgré tout ce temps de jeu à Hyères-Toulon n’était pas suffisant pour un gros prospect NBA. C’est vrai, mais les minutes ça se mérite. L’excellent article de Maxibasketnews sur les pivots français de la ligue américaine (paru en mars) donne une excellente vision du joueur qu’il était en France, entre éthique de travail largement insuffisante et illusions quand à son niveau de jeu réel (Alain Weiz son entraineur à Hyères-Toulon: « il avait le sentiment, comme tous les jeunes joueurs très doués, qu’il aurait dû être plus utilisé, que les autres étaient des laborieux, que lui était doué (rires). Toutes les attitudes négatives qui ne permettent pas de progresser. Il était un peu empoisonné par toutes ces choses, parce qu’à l’entrainement, il était tout le temps dominé par Vincent Masingue, Kyle Milling et Tony Williams! C’était ça la réalité! »).

    Je passe au chapitre américain et son entente avec Larry Brown. On sait que le mythique coach n’est pas facile, mais on ne peut pas dire que son exigence soit la seule raison de cette relation tendue. Toujours issu du même article de Maxibasketnews:

    « « Derrière Boris Diaw, il peut jouer power forward », pointait Larry Brown, alors technicien des Bobcats, dans la presse américaine en 2009. « Il y des minutes à prendre. Je pense qu’il sait ce qu’il doit faire et sans doute qu’il en a le talent. Mais à un moment, il faut qu’il écoute les entraîneurs. Sinon, c’est direction la D-League comme l’an passé. » Moralité? Ajinça finit la saison en ligue de développement. Avant d’atterrir au bout de banc de Dallas, puis de Toronto. »

    Voilà pour le « L’année d’après je suis revenu, j’avais commencé à faire de bonnes choses en pré-saison mais le coach (Larry Brown, ndlr) a décidé de me renvoyer encore en D-League, pour aucune raison. » qu’Ajinça a sorti dans l’un des passages coupés de l’interview. Je rajouterais quelques souvenirs d’infos (souvenirs donc rien de bien fiable, j’avoue) qui faisait état de son manque d’entrain à se replier rapidement en défense (bon c’est vrai qu’apparemment Blake Griffin a le droit, lui) ou encore, symptomatique de son état d’esprit, que Boris Diaw expliquait que « parfois il faut s’entendre dire les choses par une seconde personne pour les admettre » en parlant de son intervention dans la relation Alexis Ajinça-Larry Brown.

    Donc si je ne réponds pas de la virulence de certaines réactions à l’interview, je ne peux que reconnaître qu’Ajinça est le principal responsable de ce qui est pour l’instant un échec et que, comme me semble-t-il le montre l’interview, il a toujours la tendance (bien humaine) de porter ses difficultés sur autrui plutôt que sur lui.

    Personnellement, je trouve qu’il y a vraiment beaucoup de similitudes avec Johan Petro et ça a de quoi me rendre pessimiste. Mais bon, c’est pas pour ça qu’on va arrêter d’espérer le voir plus souvent sur le parquet et se réjouir quand il sort une bonne performance.

    le 15 avril 2011 à 19 h 16 min

  3. Antoine
  4. Salut Still !
    Désolé pour cette réponse tardive, le weekend fut chargé.

    Merci pour cette réponse informée, rédigée et respectueuse. Idéalement, les forums devraient plutôt servir à ce genre de débat. Évidemment ça demande un effort un peu plus soutenu mais bon, ça en vaut le prix.

    Effectivement, au delà du cas Ajinça, ce qui m’intéressait c’est le côté dérive dans le traitement/la réception de l’info. D’autant que la lecture de l’interview est forcément influencée par la partie commentaire que les lecteurs vont aller voir, mais qu’on ne maîtrise pas (ce qui est OK, mais on a le droit de faire attention à comment ça se passe).
    Difficile de répondre point par point, ce n’est pas forcément le but de toutes façons.
    De manière générale je pense que, contrairement à l’image qui est véhiculée, Alexis n’est pas insouciant ou heureux de palper du blé en NBA et point barre. Il peut parfois donner l’impression de tendre le bâton pour se faire battre dans certaines réponses, mais il y a aussi pas mal d’éléments où il reconnait ses erreurs, ses difficultés, le travail à accomplir etc. Il faudrait notamment pouvoir écouter le ton de ses réponses et pas seulement la retranscription écrite…
    C’est toujours difficile quand tu as été exposé de la manière dont il l’a été de ne pas être sur la défensive et chercher à se justifier de toutes façons. Ça peut paraître irritant mais il faut bien qu’il gère sa propre confiance aussi. L’important c’est ses affrontements sur le terrain, pas en dehors.
    Ceci dit, est-ce que cela ne traduit pas un certain manque de lucidité de sa part ? C’est une vraie question, mais il sera plus important de voir comment il y répond par ses actes.
    Débat à poursuivre sur d’autres points qui peuvent être soulevés.
    Pour l’anecdote, il a vraiment eu l’impression d’être bridé à Hyères-Toulon: après son bon match en semaine des As, il aurait voulu avoir plus de minutes. Il y a donc une vraie question entre l’importance du développement des jeunes joueurs (surtout français ?) dans les clubs et le problème du risque que ces clubs prendraient du coup (descente etc.).
    Le débat reste ouvert, même si les playoffs créent une toute autre actu…

    le 19 avril 2011 à 14 h 17 min

  5. StillBallin
  6. Je crois que le premier point sensible du « débat » Ajinça, c’est qu’on ne peut que constater que son départ pour la NBA était prématuré et que c’est peut-être l’aveu de cette erreur (dont il n’est pas le seul responsable, ses agents devraient avoir leur part de ce gâteau-là aussi) qu’on attendait. Au lieu de ça, il assène un fumeux « plutôt faire du banc en NBA qu’en France ». Je pense que ce genre de réponses en forme de bâton tendu pour se faire battre comme tu dis, associées à l’image qu’on a de lui, celle d’un joueur qui rechigne à se battre sous les panneaux, à se défoncer sur le terrain et à appliquer les consignes des coachs ont vite fait de mettre le personnage sur pilori. Quand bien même on sait qu’Ajinça est un bon gars, qu’une pression assez importante pèse sur ses épaules et qu’il n’agit en fait que comme un sportif de 22 ans (donc avec une maturité loin d’être développée).

    Sinon, je crois que la rupture entre le français et le public s’est produite lors de son passage compliqué en équipe de France. Malgré tout son talent et ses qualités, sa taille et ses bonnes mains (tout ce qui manquait à la sélection tricolore), il n’est pas parvenu à convaincre Vincent Collet, coach qui est loin d’être aussi dur que Larry Brown, de le retenir dans l’équipe alors qu’un grand, plutôt mobile avec des bonnes mains est une arme de premier choix dans ce genre de compétitions (et que la France n’en avait pas vraiment d’autres sous la main). Je crois que cela a été assez révélateur du niveau -beaucoup plus faible qu’attendu- de l’intérieur: Ajinça avait un boulevard devant lui et il n’a pas été capable d’en profiter. Voilà qui justifiait son confinement sur le banc des Bobcats (et on ne pouvait plus pester contre le méchant Larry Brown pour cette absence de temps de jeu). Plus grave encore, je soupçonne que si l’intérieur avait montré les signes (la volonté?) qu’il pourrait régler les petites choses que lui reprochait Collet avec le temps, le sélectionneur n’aurait pas hésité à le prendre, comme ça avait été le cas avec Mahinmi qui pourtant était blessé, il me semble, en plus d’être un peu largué dans le savoir-faire défensif requis. Mais manifestement, ça n’a pas été le cas. Si le coach français est allé jusqu’à se passer des 213 cm du Raptor, c’est qu’il était vraiment loin de mériter sa place et ça, ça a fait l’effet d’une douche froide pour tous ceux qui croyaient en lui à mon avis.

    Bon après, comme tu le dis avec justesse, la vraie réponse d’Ajinça sera sur le terrain. Personnellement, je ne demande pas grand chose. Un effort défensif constant, une volonté d’aller chercher le rebond, de la présence dans la peinture et pas shoots difficiles pris. Mais c’est aussi ce qu’on lui demandait en équipe de France. Le stéphanois aura au moins quelques minutes de temps de jeu à chaque match ; pour moi, cela sera suffisant pour voir ce qu’il en est (avec une observation sur plusieurs matchs bien sûr).

    J’en finirais avec l’anecdote Hyères-Toulon. La question du temps de jeu des français et de leur développement est effectivement un débat très, très important mais cela ne change pas la règle du terrain: le meilleur joueur, celui qui apporte le plus à son équipe joue, quelque soit sa nationalité. Je suis pour les règles visant à favoriser la prise d’importance des joueurs français (système des joueurs formés localement) mais presque à contre-coeur et ça ne m’enlèvera pas de la bouche ce goût amer qui vient du fait que si on en arrive là c’est parce que les français n’arrivent pas à être meilleurs que les étrangers, tout simplement. Ajinça pouvait être frustré de ne pas jouer beaucoup plus après sa Semaine des As mais sa frustration, il aurait la diriger sur lui même et se poser des questions (plus facile à dire qu’à faire, je le reconnais). Ce temps de jeu limité aurait justement dû lui faire comprendre qu’il était encore loin d’être au niveau et qu’il y avait un tas de choses qu’il faisait pas ou faisait mal et qui sont nécessaires à l’équipe. Comme beaucoup de joueurs de son âge et de son talent, ça été l’effet inverse et les attentions de la NBA n’ont pas dû arranger les choses.

    le 21 avril 2011 à 0 h 40 min