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Jordan et Adidas, l’acte manqué

Décalé | Par Antoine le 27 mai 2011 à 20 h 31 min

 

Et si Jordan avait porté… ça !

 

Le fils de Michael Jordan, Marcus, a fait capoter en 2009 un deal entre Adidas et sa fac, Central Florida, pour avoir porté les chaussures de papa et refusé d’en changer. Un caprice à 3 millions de dollars… (daddy rattrapa-t-il le coup en poussant Nike à sponsoriser CF ensuite ?). Du côté d’Adidas, cet épisode leur avait certainement rappellé alors l’énorme erreur qu’ils avaient faite, 25 ans plus tôt, en ne signant pas un arrière-shooteur (et dunkeur !) de l’Université de North Carolina, qui allait devenir le 3ème choix de la draft 1984. Oh, et aussi l’athlète le plus rémunérateur de tous les temps…

It’s gotta be the shoes. On connait tous ce fameux slogan, répété à l’envie par Spike Lee durant les désormais cultes pubs de la marque à la virgule. On sait bien que le talent de MJ n’avait rien à voir avec ses pompes, mais plutôt que pour Nike it had to be that guy. Quel autre athlète aurait-il pu lancer de manière aussi dramatique un empire vestimentaire ? En signant avec Nike, Michael Jordan a imposé la petite entreprise de l’Oregon dans la cour des grands, avant qu’elle ne devienne la plus grosse compagnie du marché. Il lui a fallu simplement quelques actions spectaculaires – émerveillant les fans – et une censure de la ligue (les shoes étaient considérées trop flashy) pour cela, mais personne d’autre n’aurait pu le faire, surtout sur la durée, lorsqu’il est devenu le vainqueur absolu. Dès la première pompe, en combinant ce côté flashy et trash (His Airness préféra continuer à porter les chaussures et payer l’amende plutôt que se plier à la censure de la NBA, ce que Nike utilisa en argument promotionnel…), un phénomène de mode et peut-être même culturel était lancé.

Pour saisir à quel point ce mouvement a été pionnier, il suffit de regarder les deals qu’avaient décroché les deux mega-stars précédentes, Magic Johnson et Larry Bird, avec Converse : des sommes ridicules et une exposition limitée, malgré quelques pubs sympa (ici et ici). Magic s’était même fait dire par un cadre de la marque (rachetée par Nike depuis…) qu’ « un joueur ne fera jamais vendre des chaussures« . Comme quoi, il n’y a pas que chez Adidas qu’ils pouvaient se planter.

Jordan voulait jouer en Adidas, pas en Nike !

Cependant, le péché fut peut-être plus grand du côté de la marque aux trois bandes : Mike Jordan voulait en fait signer avec eux ! Bien qu’il porta des Converse à la fac (c’était l’équipementier de UNC), il était alors déjà fan de la signature à la mode des early eighties (portée par Kareem Abdul Jabbar et adoptée par les pionniers du Hip-Hop naissant), et il mit même Nike en stand-by, le temps de comparer leur offre avec ce que pouvait lui offrir Adidas. « S’ils avaient fait une offre proche de celle de Nike, j’aurai signé chez eux » déclarait-il même dans une interview vidéo (disponible ici).

Pouvons-nous imaginer ce que cela aurait donné ? La marque européenne aurait dominé le marché encore plus et Nike aurait peiné à se faire une place pour sûr… Certes, il n’est pas certain qu’ils aurait eu le même nez – au niveau du marketing et du design – du côté de la compagnie d’Adolf « Adi » Dassler, mais on peut difficilement imaginer un flop quand même.

Depuis, Adidas et Jordan ont leur propre empreinte en NBA, à côté de Nike.

L’eau a coulée sous les ponts entre-temps. Adidas fait maintenant clairement partie du paysage NBA, après une absence presque totale durant les 90’s (où seul Reebok fit un peu concurrence, racheté par Adidas depuis). Ils ont un deal avec la ligue, qui en a fait l’équipementier officiel. L’acte fondateur a été en quelque sorte la signature de Kobe Bryant, qui porta les trois bandes durant son three-peat et assura leur retour sur les terrains. Même s’il est passé du côté « virgule » de la force ensuite, la marque n’a pas disparue des parquets, bien au contraire. Actuellement, ils ont d’ailleurs des porte-drapeaux (ou panneaux publicitaires) de choix avec Derrick Rose et Dwight Howard. Le MVP et le DPOY sont clairement des fans-favorites et assurent une exposition presque maximale, qui se traduit bien sur les playgrounds du monde entier, alors que Tracy McGrady avait également repopularisé la compagnie dans ses années glorieuses.

Air Jordan, lui, a pu créer sa propre marque, certes toujours filiale de Nike mais sur laquelle il a un certain contrôle et assure des profits juteux. Surtout, il a réussi à garder la popularité des produits estampillés Jordan même après sa retraite. D’ailleurs, la marque est peut-être plus ancrée dans le coeur des fans (plus « luxe », plus associée à un joueur et son héritage) que les autres. Ne nous y trompons pas : les ressorts sont les mêmes et l’objectif est tout autant business. Mais MJ a su être doublement pionnier en reprenant à son compte le mouvement créé par Nike, après avoir été le véritable fer de lance de la compagnie, et même d’un phénomène global où les athlètes sont au coeur des stratégies commerciales. De plus, il a su signer des superstars actuelles sous son propre logo (Dwyane Wade, Chris Paul, Carmelo Anthony etc.), ce qui aurait été pratiquement impossible pour n’importe qui d’autre (DH12 recrée bien le logo de Shaq, mais on imagine mal les deux bosser main dans la main).

Ces rivalités entre les marques ont d’ailleurs eu – et ont toujours – des incidences en terme de représentation : Michael Jordan paré du drapeau US sur le podium olympique pour cacher le sponsor Reebok sur le survèt’, Kobe qui pose toujours une serviette sur ses épaules durant les interviews TV pour couvrir le logo adidas sur le maillot etc.

Nike reste cependant en 2011 la compagnie la plus dominante sur le marché mondial et dans l’Association. Une histoire qui aurait été écrite complêtement différemment si les choses avaient été autres en 1984… et qui n’aurait peut-être pas conduit au caprice d’un gamin en 2009. Ah, mais j’oubliais, le mot « si » ne devrait pas faire partie du dictionnaire, selon Jordan himself (voir la vidéo plus haut) !


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Déjà 1 commentaire :

  1. Simo
  2. très très instructif ! Je le propose à BUSA tellement je le trouve intéressant et j’ai appris pas mal de chose pour ce coup !

    le 27 mai 2011 à 21 h 04 min